« les
rêves fleurissent dans
la tête des gens comme
dans un jardin. Sauf qu’ils
n’ont pas besoin de saison
et n’ont besoin ni d’eau
ni de soleil ». Cette
pensée de Véra,
prostituée au grand cœur,
fera son chemin dans la tête
de Julien, treize ans dans les
années 50, et qui traîne
sa mélancolie le long
du passage Verdeau, situé
entre les Grands Boulevards
et le faubourg Montmartre. Une
adolescence marquée par
la disparition de ses parents
durant la guerre, et qui se
déploie à côté
de personnages libertaires comme
M.Weiller, le bijoutier juif
flanqué d’un chien
baptisé Philippe, en
souvenir du Maréchal,
ou M.Pérolat, libraire
élitiste. Un beau roman
sur les « héros
sacrifiés qui sont le
compost de l’histoire
».
J.-R.B
L'Alsace
- 22/01/2001
ROMANS L'après-guerre
Charles Lancar,
qui depuis vingt ans a publié
une dizaine de livres tout en
tenant des stands sur les marchés
parisiens, trempe sa plume d'écrivain
dans l'encre de la tendresse.
Dans le très beau Passage
Verdeau, il dépeint une
petite communauté humaine
dans Paris quelques années
après la Deuxième
guerre mondiale : un adolescent,
petit-fils de la concierge,
dont les parents ont disparu
; le bijoutier revenu de «là-bas»,
c'est-à-dire des camps,
qui attend le retour de sa femme
et qui va transmettre son métier
à l'enfant ; la petite
péripatéticienne
au grand coeur ; le clochard
ancien charretier qui se compare
à Job ; la veuve qui
parle toujours avec le portrait
du Maréchal et qui a
baptisé son chien Philippe;
le libraire rongé par
son grand secret. Charles Lancar
décrit ce monde avec
une pudeur qui paradoxalement
suggère la monstruosité
des lâchetés et
des horreurs que celles-ci ont
entraînées, en
même temps qu'elle les
pardonne. On devine en filigrane
que l'auteur est hanté
par la Shoa et par Dieu qui
a laissé faire, mais
il n'y a dans ce livre pas la
moindre idée de vengeance.
A travers ces itinéraires
croisés de gens ordinaires
de l'après-guerre, leurs
rêves et leurs regrets,
Lancar offre ici une belle leçon
de tolérance.