|
Chaque
individu, qu'il soit ou non doué de raison, qu'il soit riche ou dans le
plus complet dénuement possède au moins un bien inaliénable,
inaccessible, et qu'il emporte avec lui dans la mort. Du moins, le
croit-il. Il en est ainsi pour les animaux, du lion au souriceau, des
plantes, du chêne centenaire au moindre brin d'herbe, des rochers à
l'infime gravillon. Ce bien, c'est son ombre. Anodine, mystérieuse et
par certains aspects inquiétante, elle se révèle pleinement sous le
soleil, à la faveur d'un rayon de lune, ou encore sous le faisceau d'un
projecteur. Depuis notre naissance, nous sommes habitués à ce que notre
ombre nous suive ou nous précède. Parce que nous savons qu'elle n'est
jamais bien loin de nous, nous ne lui prêtons que peu ou pas
d'attention. On l'imagine docile, soumise à notre humeur, épousant nos
faits et gestes. Mais, est-on certain qu'elle ne possède pas sa propre
vie, qu'elle ne se livre pas à quelque lointaine incursion ? |
|