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La chambre est froide, glaciale,
mais Irène transpire
à grosses gouttes. Elle
s’agrippe aux barreaux
de cuivre du lit et pousse de
toutes ses forces. Elle sent
monter la vague, compte jusqu’à
trois et fait : «Han !...Han...
» ainsi qu’elle
l’a vu faire chez elle
à la campagne, alors
qu’elle n’était
qu’une enfant. Elle n’a
d’ailleurs pas l’impression
d’être sortie de
son enfance. Toutes ces dernières
années ont glissé
sur elle sans qu’elle
sans rende bien compte. Elle
n’est pas concernée
par ce qui lui arrive. Elle
a assisté en spectatrice
à tous ces événements,
jusqu’au dernier qui,
en ce moment même, lui
taraude le ventre... Un nouveau
spasme encore plus violent lui
arrache un cri et la laisse
pantelante. Les draps sont humides
et la couverture militaire,
cadeau du lieutenant Helmut
Stuffer, traîne tout entortillée
sur le parquet recouvert çà
et là de quelques morceaux
de linoléum disparates.
- Mon dieu... je vais sûrement
crever !
Elle pleure de rage d’être
clouée au lit, toute
seule, dans cette piaule minable,
de payer si cher un moment d’attendrissement.
Rappel à l’ordre
: un nouveau spasme ; elle crie,
porte la main à son ventre,
lâche un gros sanglot,
respire à fond, se sent
un peu mieux. Elle goûte
la pause :
- Il ne m’aura pas. Je
ne le laisserai pas faire. Je
ne veux pas mourir !
La douleur est telle qu’elle
reste pendant un long moment
inerte. Nouvelle accalmie ;
elle serre encore plus fort
les barreaux ; il va revenir
à la charge.
- Le salaud, crie-t-elle, en
serrant les dents, le salaud,
il me tue !
Elle crispe ses mâchoires
à en avoir mal et ferme
les yeux. Elle sent l’enfant
qui progresse. Il avance, elle
le sent qui glisse lentement,
peut-être même a-t-il
sorti la tête. Mais elle
ne veut pas s’en assurer
tout de suite et pousse... pousse
encore...
Cette fois, il est enfin là,
le petit salopard, entre ses
jambes écartées,
elle le sent qui remue. Elle
tend doucement sa main vers
lui, comme si elle craignait
de le rencontrer : il est là,
tout chaud, visqueux, encore
relié à son ventre
: « Qu’est-ce que
je vais bien faire de lui ?
» (...)
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