Novembre
1887, Paris
La diligence s’arrêta
place de la Bastille, à
l’angle du boulevard
Beaumarchais. Un vent froid
soufflait par rafales et faisait
trembler la flamme des réverbères.
Le cocher s’empressa
de descendre les bagages de
l’impériale,
puis, prenant à peine
le temps de saluer les voyageurs,
courut s’abriter dans
le relais. Adélaïde
considéra l’immense
place et, autour, les maisons
dont on distinguait tout juste
la ligne des toits. Fondue
dans l’obscurité,
la colonne de Juillet disparaissait
à moitié. La
jeune femme demanda le faubourg
Saint-Antoine à un
passant. Il s’arrêta
à peine, indiqua d’un
geste vague une trouée
de lumière dans la
nuit.
Elle songea un instant à
prendre un porteur mais y
renonça, de peur d’entamer
ses économies. Elle
souleva avec peine sa malle,
la posa sur ses épaules
et vacilla sous la charge.
Elle finit par retrouver son
équilibre et se mit
à marcher, marquant
de fréquentes étapes.
Adélaïde avait
vingt-deux ans. Ses yeux gris
taillés en amande,
dans lesquels jouaient des
reflets bleus, donnaient à
son visage une expression
féline. Ni sa taille
mince, ni ses épaules
frêles ne permettaient
d’imaginer la résistance
et la détermination
peu communes qui l’habitaient.
Autrefois, avant son mariage
avec Victor Lahire, elle avait
travaillé dans la mine,
dans le bassin de Lens où
elle avait vécu jusque-là.
L’ouvrage qu’elle
abattait, sans toutefois descendre
dans le puits, lui avait valu
l’estime des hommes.
(...)